L'historire de mon arrière grand-père, reconstituée par mon cousin germain Jean-Charles Cougny, agriculteur, écrivain et généalogiste de la famille.
Emile BUREAU, le grand-père maternel de mon père est mort en 1937. Ce dernier n’avait alors que 10 ans, mais il n’a jamais oublié quand son aïeul lui parlait de l’expédition militaire vers « l’Empire du Milieu » auquel il avait participé. Grâce à son dossier militaire et mes recherches généalogiques, j’ai pu découvrir comment il en était arrivé à se rendre là-bas. Voici son histoire…
Emile BUREAU nait le 14 septembre 1876 à St-Pierre-le Moutier, au lieu dit « La Fontcouverte » sur la route de St-Parize-le-Châtel. Il est le douzième enfant (sur 13) de Louis et Pierrette GRANJEAN, lesquels se sont mariés en 1858 à Druy-Parigny. Si les GRANJEAN sont originaires de Parigny-Sardolles, les BUREAU sont de Sougy sur Loire depuis le début du XVIIIème siècle. La tombe d’Annet BUREAU et celle de Marie COLAS (juste à côté), ses parents, existent encore dans le cimetière de ce village. (A noter ici une parenté avec Raoul FOLLEREAU, lequel descend d’une sœur d’Annet BUREAU épouse d’un frère de Marie COLAS[1]).
Si les BUREAU de Sougy semblent être des cultivateurs assez bien installés, comme en atteste le fait qu’ils restent fermiers longtemps dans le même endroit (domaine de Barbette, Chassigny), il n’en n’est pas de même pour Louis, le père d’Emile. Il va de ferme en ferme avec sa nombreuse progéniture. On le trouve à Druy-Parigny, St Pierre-le-Moutier, St Parize-le-Châtel (aux Fonds Bouillants) puis à Magny-Cours où il décède en 1905. Il faut dire que Louis n’est pas docile. On raconte qu’un jour à la sortie de la messe, il lance à son propriétaire : « Je t’emm… petit marquis ! ». Il est mis dehors de sa ferme à la St Martin suivante. La famille est alors souvent dans la misère. On dit qu’une année ils étaient si démunis que c’est à la bêche qu’ils avaient retourné la terre sur la petite ferme du hameau de Loucet, à Magny-Cours.
Heureusement, la génération suivante est plus chanceuse. La fille aînée, Joséphine, née en 1864 épouse un artisan plâtrier de St Pierre, Pierre DUFOND, lequel possède en plus quelques arpents de vigne à Riousse. Du coup, c’est ici qu’Emile, le plus jeune des garçons apprendra le métier de plâtrier-peintre.
A vingt ans, il est appelé sous les drapeaux. A cette époque le tirage au sort existe encore (pratique supprimée en 1905). Le n°46 le désigne bon pour 5 ans. Après ses classes, fin 1897 il est dirigé vers le 3ème régiment de zouaves de Constantine en Algérie où il est affecté à ce qu’on appelle le maintien de l’ordre dans la circonscription du sénateur Paul Cuttoli.
Il y reste jusqu’au 31 juillet 1900 où il s’engage volontaire pour l’expédition de Chine.
Pourquoi cette expédition ? A cette époque et depuis longtemps beaucoup de pays sont présent en Chine. La conquête coloniale se termine sur la planète, faute de territoires nouveaux à s’approprier. L’Angleterre qui depuis longtemps a développé le commerce de l’opium, la France qui y implante des lignes de chemin de fer et l’Allemagne, y installent une forme d’impérialisme économique[2]. Quant à la Russie et le Japon, leur présence est motivée par des revendications territoriales…pas totalement abandonnées de nos jours. Face à cet asservissement des pays étrangers, la réaction chinoise se manifeste surtout par la création de sociétés secrètes nationalistes qu’on baptise « les Boxers ». C’est pour contrer la montée en puissance de celles-ci qu’est créée une force de coalition des pays concernés. Environ 110 000 hommes dont 17 000 français. Il s’agit officiellement d’une « intervention d’humanité »…même si la raison économique et territoriale est sans doute plus réelle.
Lors de l’arrivée des forces étrangères, l’armée du gouvernement impérial chinois, considérant cette incursion comme un fait de guerre soutient un temps « les Boxers » avant de se raviser, car malgré le manque d’unité bien légitime dans une coalition dont les armées qui la composent ont des motivations différentes, les chinois sont vite en déroute et se réfugient derrière la Grande Muraille en se retournant contre « les Boxers » qu’ils déclarent alors rebelles. Finalement, en une année la chose est réglée. La Russie et le Japon s’agrandissent et la Chine reste sous de joug économique des anglais, français et Allemands…creusant ainsi le lit des guerres futures et probablement de la Grande Marche de Mao-Té-Toung et de la Révolution populaire…
Pourquoi Emile BUREAU s’est-il engagé ? Peut-être pour voir du pays ? Il lui restait 1 an de service militaire à faire. On veut des gens costauds. « Pas de gens malingres !» est-il spécifié. On veut des gens libérables au bout d’un an. Et puis on offre une prime de 100 francs.
Emile est de retour de Chine le 15 septembre 1901. Il est libéré d’Algérie le 18 du même mois.
Il retrouve son métier de plâtrier et épouse le 12 octobre 1903 à St Pierre, Marguerite COMPERE. Celle-ci, née à Nevers en 1981 avait perdu sa mère, Marguerite Raymond à l’âge de deux ans de tuberculose et son père Charles Gilbert (conducteur de train au PLM) à l’âge de 10 ans et fut élevée à l’orphelinat de Varennes-les-Nevers, chez les religieuses.
En 1905, ils ont un premier fils Louis. Emile est alors installé plâtrier à Magny-Cours. En 1906 nait Raymonde (ma grand-mère) puis Fernand en 1908.
Lorsqu’arrive la guerre de 1914, Emile est mobilisé le 7 août. Il participera au conflit jusqu’au 28 décembre 1918, avec juste un arrêt de 10 jours pour une entorse au pied gauche.
Son fils Louis s’installera plâtrier à Decize où ses enfants lui succèderont dans l’entreprise. Fernand reprendra la suite à Magny-Cours où sa femme vient de fêter ses 100 ans !
Il nous reste quelques photos dont une prise en Chine (Emile est au premier rang à droite). Il est loin le temps où les états européens imposaient à ce grand pays des contraintes économiques (interdiction de taxer les importations venant d’Europe)…et réussissaient à s’imposer avec un corps expéditionnaire de 110 000 hommes…
Jean-Charles COUGNY adhérent n°862
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