Chroniques aux sels d'argent de l'île de Ré

Publicité mensongère

Dans sa conférence de Presse du 1er septembre, le premier ministre, Dominique de Villepin proclamait:
"Le nombre de demandeurs d'emploi a baissé en juillet de 25.000, après 35.000 en juin, soit 60.000 au total. Avec ce résultat, nous sommes repassés en dessous de la barre des 10% de chômeurs.../... Ces résultats sont la preuve que nous pouvons gagner la bataille de l'emploi".

Et tous les médias de reprendre en coeur c'est exploit, de France Inter à l'Expansion, du 13 heures de France 2 aux Dernières Nouvelles d'Alsace, pour rassurer les Françaises et les Français avec cette annonce : Le chômage baisse en France!

Contents, nous le sommes, pour ces milliers de Français qui ont retrouvé un emploi, un bon contrat à durée indéterminée, bien payé, dans une entreprise toute neuve, implantée à deux pas du pavillon familial. Rien que du bonheur. Est-ce bien la réalité?

Le métier de journaliste ne comportait-il pas (autrefois) un travail d'investigations, de confrontation des informations, avant de rédiger son papier ou de choisir  la "une" du journal?

Car il aurait été pertinent de jeter un rapide coup d'oeil, avant d'annoncer cette victoire, sur le rapport annuel de la CNAF (Caisse Nationale d'Allocations Familiales) qui verse le RMI aux allocataires.

"En métropole, le nombre de Rmistes a progressé de 4,4% en un an entre juin 2004 et juin 2005. Le nombre d'allocataires est passé de 1.039,2 million à 1,085 million".

Raison invoquée par la CNAF:

"Ce niveau touours relativement élevé apparaît lié aux effets de la réforme de l'assurance-chômage, et en particulier de la réduction de 30 à 23 mois des durées d'indemnisation pour la filière la plus longue".

Damned! Les 60.000 demandeurs d'emploi seraient en fait devenus pour partie des Rmistes. Pas de quoi pavoiser, Monsieur le premier ministre. Mais vous n'y êtes pour rien, cela fait 20 ans que les gouvernements successifs jouent avec ce petit chiffre facilement manipulable "des demandeurs d'emploi de catégorie 1 inscrits en fin de mois à l'ANPE". On oublie qu'il y a huit autres catégories de demandeurs d'emplois inscrits à l'ANPE.

Allez, messieurs les journalistes, un peu de courage, soyez plus vigilants sur vos effets d'annonce. Ne laissez pas Daniel Mermet et quelques boggueurs isolés monter seuls au front!

La vie de caserne

Michèle Alliot-Marie a présenté le 20 juillet le projet d'insertion des jeunes mis en place par le ministère de la Défense. Ce projet s'adresse aux jeunes garçons et filles de 18 à 21 ans sans formation.

Les volontaires seront logés, nourris, blanchis et recevront une solde (pardon, une allocation mensuelle) de 300 euros.

Le contrat pourra durer de un à deux ans et déboucher sur un diplôme professionnel (CAP).

Engagez-vous, engagez-vous, dit la ministre!

Plus d'infos ici.

De la difficulté d'être jeune aujourd'hui

"J'avais vingt ans. Je ne laisserai personne dire que c'est le plus bel âge de la vie."
Paul Nizan - Aden Arabie.

Le renforcement de l'accès des jeunes à l'emploi était l'un des principaux thèmes à l'ordre du jour de la 93ème conférence internationale du travail qui s'est tenue pendant trois semaines au siège du BIT (Bureau International du Travail) à Genève (Suisse).

Les chiffres parlent d'eux-mêmes:
Selon le BIT, 88 millions de jeunes âgés de 15 à 24 ans sont actuellement privés d'emploi, sur une population mondiale des 15-24 ans estimée à 238 millions. Par ailleurs, près de 60 millions de ces jeunes (un quart) vivent avec moins de deux dollars par jour, qu'ils soient au chômage ou qu'ils travaillent.

Cette situation pourrait empirer à l'échelle planétaire avec une perspective de 660 millions de 15-24 ans en situation de travail ou à la recherche d'un emploi à l'horizon 2015, soit une augmentation de 7,5% par rapport à 2003.

Selon l'UNSA (Union Nationale des Syndicats autonomes) le problème de l'emploi des jeunes se posera avec une acuité particulière en Afrique subsaharienne où le nombre de jeunes devrait augmenter de 31 millions et en Asie du Sud où l'augmentation prévue est estimée à 21 millions.

Le 12 juin, journée mondiale contre le travail des enfants, l'OIT a lancé un appel pressant à l'interdiction mondiale du travail forcé des enfants (ils seraient un million) dans la petite exploitation de mines et de carrières.

La quadrature du cercle

Les Français n'ont pas le moral. Première source d'inquiétude: le chômage, et en particulier le chômage des jeunes. Celui-ci a continué d'augmenter, malgré la légère embellie du mois de mai pour l'ensemble des chômeurs français (avec un recul purement symbolique de 0,1%, soit 1400 demandeurs d'emploi de moins qu'au mois d'avril).

Donc, priorité des priorités pour le nouveau gouvernement : l'emploi! Mais avec le choix fait par Jacques Chirac de confier le redressement économique et social de la France au duo Villepin/Sarkozy, on risque d'assister au mariage de la carpe et du lapin.

Plus de social? Ou plus de libéralisme? Alain Juppé n'a pas tord quand il écrit sur son blog: " ... nous savons que parmi les mesures nécessaires, certaines impliqueront un déblocage du marché du travail et l'élimination de certains freins à l'embauche".

Baisser le taux de chômage, c'est possible. En Grande-Bretagne, il est inférieur à 5%, selon de Bureau International du Travail (839.400 personnes), le deuxième plus bas parmi les sept nations les plus industrialisées, après le Japon. Conséquence d'une politique (ultra) libérale menée par Tony Blair...

Les français ont massivement rejeté le projet de Constitution Européenne parce qu'il était trop libéral, et faisait la part belle aux délocalisations et au dumping social. "Non au démentèlement du service public", même si celui-ci coûte cher, n'est pas très rentable, et ne créé pas beaucoup d'emplois.

Alors que faire? le mariage de la carpe et du lapin est peut-être finalement nécessaire. Une politique sociale teintée de libéralisme? Une politique libérale attentive aux acquis sociaux?

Nos deux frères ennemis ont du pain sur la planche!

CIVIS mode d'emploi

En visite hier à Strasbourg, Jean-Louis Borloo a signé les premiers contrats d'insertion dans la vie sociale (CIVIS) qui prévoient, en particulier, un accompagnement personnalisé et renforce pour les jeunes sans qualification, organisé par l'Etat et mis en oeuvre par les missions locales et les PAIO.

La circulaire d'application de ce dispositif est parue le 19 mars 2005. Sur le plan financier, 417 M€ sont consacrés à la mise en oeuvre du volet insertion des jeunes du plan de cohésion sociale, auxquels s'ajoutent 430 M€ au titre du dispositif de soutien à l'emploi des jeunes en entreprise,  soit au total 847 M€.

Jean-Louis Borloo veut diviser le taux de chômage des jeunes (21,4%) par deux. Il a du pain sur la planche.

Les jeunes, premières victimes du chômage

"J'avais vingt ans. Je ne laisserai personne dire que c'est le plus bel âge de la vie".
Paul Nizan - Aden Arabie

Devenir adulte n'est jamais chose facile : les moins de 25 ans sont dans une période personnelle difficile, de transition, où il faut construire de nouveaux repères. Il existe un paradoxe qui s'exprime dans dans cette tranche d'âge, qui souhaite de plus en plus d'autonomie, qui est de plus en plus mûre, mais qui a de moins en moins les moyens de cette autonomie.

Et le chômage est un véritable fléau pour la jeunesse. Les modalités d'accès à l'emploi ont fortement évoluées ces vingt dernières années : l'intégration des jeunes ne passe plus par un premier emploi stable, mais par une succession d'expériences précaires, sur des postes dont la disponibilité est directement liée à la conjoncture économique.

Et justement, la conjoncture n'est pas bonne, touchez-en deux mots à Jean-Pierre Raffarin. A deux mois du référendum sur le projet de constitution européenne, afficher un taux de chômage de 10,1% n'est pas vraiment un argument pour convaincre les Français des atouts de l'Europe Sociale.

Peu de création d'emplois dans le secteur marchand, et surtout un plan de cohésion sociale qui sera vraiment efficace... en 2006, les mois qui viennent risquent d'être chauds pour le gouvernement en place.

Et malheureusement, comme toujours, ce sont majoritairement les jeunes qui vont pâtir de cette situation désastreuse. Bien sûr, il est bien question de créer quelques centaines de postes de plus dans les missions locales et PAIO, pour accueillir, informer, orienter ces  jeunes, et les accompagner, mais les accompagner vers quoi?

Financement des maisons de l'emploi

Je lis ceci :

"L'aide de l'Etat aux maisons de l'emploi sera attribuée compte tenu des caractéristiques du bassin d'emploi, de l'adéquation des actions prévues ou déjà conduites aux besoins de ce bassin, des contributions apportées par les intervenants et de la coordination établie ente eux. Les actions visées devront concerner l'anticipation des besoins en main-d'oeuvre, l'accueil et l'accompagnement individualisé des demandeurs d'emploi et des salariés ainsi que l'anticipation et l'accompagnement des mutations économiques et l'appui à la création d'entreprise dans le bassin d'emploi.

La maison de l'emploi devra associer l'Etat, l'ANPE, L'ASSEDIC et au moins une collectivité territoriale ou un établissement public de coopération intercommunale. L'Aide de l'Eat sera renouvelable annuellement dans la limite de quatre annnées"

Et bien, quand je lis celà, je me dis qu'on n'est pas sorti de l'auberge (du Cheval Blanc)... voir le post précédent.

L'auberge du Cheval Blanc

Pour les 2.481.000 demandeurs d'emploi français qui au 31 mars 2005 attendaient de pied ferme la relance économique, je vous rappelle que cette belle enseigne aux couleurs chatoyantes est présente tout près de chez vous pour vous apporter réconfort et remontage de moral.

Vous y trouverez une série de prestations individuelles de qualité qui feront de vous (après une petite séance de relooking ou la participation à un module de coaching) les braves soldats de la future force de production dont notre pays aura tant besoin dès que le projet de Constitution Européenne sera adopté (hum, hum...).

Et pour ceux qui n'aiment pas la marche à pied (pourtant très bonne pour la santé), ils peuvent aussi se rendre à l'ANPE en cliquant ici!

Homeshoring

Je reviens quelques instants à la référence faite au Homeshoring par Olivier dans son récent article. De quoi s'agit-il? Tout simplement du début d'une inversion de la tendance générale à la délocalisation. Concernant la gestion des centres d'appels (call centers) aux Etats-Unis, le recrutement de télé-travailleurs américains deviendrait plus rentable que la création de plates-formes "off-shore" en Inde ou dans d'autres pays en voie de développement. Une possibilité de garder des emplois sur place. Ainsi , près de 100.000 télé-opérateurs travailleraient déjà ainsi aux Etats-Unis.

Pour information, selon le ministère de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale, le télétravail à domicile ne concernerait en France que 2% des salariés.

Un bon (contre)exemple me semble être l'arrivée en France du 39 12, concurrent direct du 12 (service historique de renseignements téléphoniques de France Télécom), un centre d'appel installé au Maroc. Des journalistes de France 2 ont appelé les deux opérateurs pour avoir le numéro de téléphone de France Télévision.
Résultat des courses :
- moins d'une minute après l'appel du 12, le numéro était donné,
- quatre minutes après l'appel du 39 12 (moins cher c'est sûr), l'opérateur en ligne continuait à se prendre les pieds dans le tapis.... et n'a jamais réussi à donner une réponse fiable.

Bien sûr, on peut trouver au Maroc une main d'oeuvre bon marché, lui donner une formation de base, lui apprendre à lire un annuaire, mais cela ne remplacera jamais cette "vraie" compétence acquise dans la vie quotidienne et professionnelle, qui transformera un geste robotisé en une véritable prestation de service.

Et aujourd'hui, en France, des millions de personnes (dont une grande partie au chômage), pourraient - et  sans coûts excessifs - apporter ce genre de service.

BLOG JOB

Cécile Gachignard, 25 ans, vient de décrocher un boulot grâce à son blog. Une approche originale, que je trouve plus dynamique que la candidature spontanée avec CV et lettre de motivation.
Et en plus, des Bloggers demandeurs d'emploi peuvent rencontrer "dans la vraie vie" des bloggers employeurs  et accéder à des entretiens "informels", mais parfois plus efficaces que les procédures traditionnelles.
Bien sûr, avec Cécile et son DESS de psychologie du travail, on reste dans le haut du panier des chercheurs d'emploi, mais relisez bien l'article publié sur ce blog hier par Olivier Zablocki, et vous verrez peut-être poindre l'émergence d'une nouvelle organisation dans les réseaux de proximité qui permettrait à des chômeurs de rendre plus visibles (et lisibles) leurs compétences (mêmes modestes) et donner un sens nouveau à cette notion de "gisements d'emplois dans le secteur des services à la personne).
A suivre...